Faire le chemin de Compostelle sur la voie du Puy : du Puy-en-Velay à Conques-

De la Haute-Loire à l’Aveyron, suivez mon pèlerinage sur la voie du Puy : 210 km à pied du Puy-en-Velay à Conques, sur un des sentiers de randonnée les plus mythiques d’Europe.

Comment faire le chemin de Compostelle sur la voie du Puy : guide et récit du Puy-en-Velay à Conques

Se mettre en Chemin…

Il y a des sentiers qui vous happent et ne vous lâchent plus, des routes qui deviennent des fils rouges dans une vie. Pour moi, le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle est de ceux-là. Commencé à l’été 2020, dans cette parenthèse de liberté qui a suivi le confinement, il est devenu bien plus qu’une randonnée : une expérience humaine, spirituelle et amicale, faite de paysages sublimes, de rencontres profondes et de cette lenteur précieuse qu’offre la marche au long cours.

Sur la voie du Puy-en-Velay, ou via Podiensis, nous avons parcouru 210 km sur le GR65, du Puy-en-Velay en Haute-Loire à Conques en Aveyron, en traversant les gorges de l’Allier, la Margeride et l’Aubrac. Ce premier tronçon, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est l’un des plus mythiques du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Entre patrimoine roman, nature grandiose et chaleur humaine, il offre un condensé de ce qui rend le Camino si inoubliable.

Dans cet article, je vous emmène sur cette portion emblématique du chemin de Compostelle, du Puy à Conques : mes étapes, mes impressions, mes conseils pour vivre à votre tour ce pèlerinage d’exception.

Qu’est-ce que le chemin de Compostelle ?

Le chemin de Compostelle est un pèlerinage vieux de plusieurs siècles, menant à la tombe de l’apôtre saint Jacques, à Santiago de Compostela en Espagne. Il n’est pas qu’une randonnée : c’est un chemin d’histoire, de foi et de rencontres, parcouru chaque année par des milliers de marcheurs venus de toute l’Europe.

En France, plusieurs voies s’offrent au pèlerin : la voie du Puy-en-Velay (via Podiensis), la voie de Vézelay, la voie de Paris-Tours, la voie d’Arles… Toutes traversent des paysages magnifiques et portent la mémoire de générations de marcheurs.

Pour ma part, c’est par la voie du Puy-en-Velay, la plus mythique, que j’ai choisi de commencer l’aventure, un été où j’avais soif d’air libre et de grands horizons.

Les différents itinéraires vers Compostelle: la voie du Puy-en-Velay, du Puy à Conques

À l’été 2020, juste après le gros confinement du printemps, nous avions soif de liberté et d’évasion. Nous ne pouvions pas partir loin, mais nous voulions explorer la France et vivre une belle aventure au grand air. Avec mes chers amis Alice et Adrien, nous avons décidé de nous lancer sur le chemin de Compostelle, par l’iconique via Podiensis, l’une des quatre grandes voies françaises vers Saint-Jacques.

Depuis le Moyen Âge, quatre grands itinéraires partent de France pour rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle : la voie de Paris/Tours, la voie de Vézelay, la voie d’Arles et la voie du Puy-en-Velay. Cette dernière, aussi appelée via Podiensis, est la plus ancienne, la plus parcourue et sans doute la plus emblématique. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses paysages et monuments exceptionnels, elle séduit autant par la beauté de ses panoramas que par la richesse de son patrimoine roman.

Partant du Puy-en-Velay en Haute-Loire, nous avons marché 210 km, traversé la Margeride en Lozère, rejoint l’Aubrac entre Lozère et Aveyron, avant de finir notre route à la sublime Conques, véritablement un des plus beaux villages de ma vie.

Le Puy-en-Velay m’a fascinée. Ville noire et feu, toute de pierre volcanique, on devine l’ardeur du magma dans la pierre froide. Les sanctuaires, chapelles et cathédrales jaillissent de pitons dressés au milieu du dédale coloré des ruelles, étrange et saisissant mélange de rudesse auvergnate et de soleil méridional. La veille de notre départ, nous avons assisté à la messe de bénédiction des pèlerins dans la cathédrale, reçu notre crédenciale (carnet du pèlerin à faire tamponner à chaque étape, jusqu’à Saint Jacques : elle est véritablement le sauf-conduit du marcheur), un chapelet et un petit livre de prières. Puis nous avons quitté la ville, nos sacs sur le dos, le cœur battant.

Dès les premiers pas sur le GR65, le charme opère : gorges de l’Allier, orgues basaltiques, chapelles troglodytes, pierres volcaniques… Mais ce qui marque le plus, c’est la force et la beauté des rencontres — avec les autres pèlerins, et avec ceux qui ont choisi de s’installer ici tant l’appel du chemin était fort. Les gens viennent marcher en trimballant leurs rêves, leurs espérances, leurs doutes, leurs incertitudes, leurs deuils, leurs ruptures, leurs blessures… toute leur humanité abîmée et radieuse à la fois, et c’est très beau.

La Margeride nous accueille avec ses grands espaces, ses sapins, ses framboisiers sauvages et ses herbes folles. Nous traversons l’ancien pays du Gévaudan, où le souvenir de la Bête est encore vivace. Nous faisons halte au Sauvage, ancienne hospitalerie (auberge de pèlerins) du XIIe siècle perdue au milieu de nulle part, avant que l’Aubrac ne nous ouvre ses horizons : paysages sublimes et solennels, vaches de race Aubrac paissant sur les estives, burons de pierres noires, fleurs rares et tourbières secrètes. Ici, m’a-t-on dit, poussent des fleurs qu’on ne voit qu’en Sibérie, et des créatures rares comme la loutre d’Europe subsistent dans les zones humides.

Nous cheminons au milieu des troupeaux, dans ce monde séculaire et secret. Les pierres sombres rappellent le volcan qui a longtemps rugi ici ; depuis le XIIe siècle, ces murs accueillent les pèlerins de Saint-Jacques. Difficile d’être plus près de Dieu que sur l’Aubrac, où la terre se met sur la pointe des pieds pour l’approcher. Les couchers de soleil embrasent les prairies, et les vaches, parées de roux au couchant, paissent tranquillement au bord des étangs.

Puis vient l’Aveyron, et avec lui une succession de merveilles : le pont médiéval d’Espalion, le clocher tors de Saint-Côme-d’Olt, entortillé comme une flamme vive sur sa croix, le village d’Estaing lové au bord du Lot. Moments de grâce dans les chapelles dédiées à Saint Michel, l’archange lumineux qui triomphe du mal, dont une chapelle aérienne du XIe siècle suspendue au-dessus du vide.

Enfin, nous atteignons Conques, joyau médiéval où la lumière traverse l’abbatiale Sainte-Foy comme un souffle sacré. Les vitraux de Pierre Soulages diffusent une clarté changeante, et dehors, les maisons de pierre et de bois s’accrochent au flanc de la colline. Un des plus beaux villages du monde à mes yeux, et un lieu qui marque à jamais le pèlerin.

Pour nous, cette portion du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, du Puy-en-Velay à Conques, est bien plus qu’un tronçon du GR65 : c’est une entrée en matière magistrale, un concentré de nature, de patrimoine et de rencontres qui donne envie de poursuivre l’aventure vers l’Espagne. Et même si nous ne savons pas si nous atteindrons un jour Saint Jacques, poursuivre le chemin avec ces personnes que j’aime tant est un but en soi.

Comment bien préparer son voyage sur le chemin de Saint Jacques

Faire le chemin de Compostelle, même sur une portion, exige un minimum de préparation. Nous partions pour 10 jours et environ 210 km, avec l’envie de vivre pleinement cette expérience humaine et spirituelle.

Tout a commencé au Puy-en-Velay, avec la messe de bénédiction des pèlerins à la cathédrale. On nous remet notre crédenciale, notre chapelet et un petit livre de prières. Puis c’est le premier pas, ce moment où l’on quitte la ville pour les chemins, entre excitation et respect pour les siècles de marcheurs qui nous ont précédés.

Nous avons choisi de voyager léger, avec le strict nécessaire dans nos sacs : bonnes chaussures de randonnée déjà faites à nos pieds, vêtements techniques, chapeau pour le soleil, quelques pansements pour les ampoules, et une gourde toujours pleine. Ce chemin n’est pas qu’un effort physique : il faut se préparer aussi à l’imprévu, aux changements de météo, aux rencontres inattendues, aux petites douleurs et aux grandes émotions.

Ceux qui souhaitent se concentrer sur la marche sans se soucier du transport des bagages ou de l’organisation des hébergements peuvent se tourner vers une agence pour le Chemin de Saint-Jacques, qui propose des formules sur mesure, un confort bienvenu quand on veut vivre pleinement l’expérience.

La préparation physique compte aussi : quelques semaines avant le départ, j’ai multiplié les marches longues, pour habituer mes jambes et mes pieds aux journées de 25 à 30 km. Mais rien ne prépare totalement à la magie du chemin : cette humanité abîmée et radieuse qui marche à vos côtés, les rêves et les prières portés dans chaque sac à dos, la force des rencontres et la beauté des liens qui se tissent au fil des étapes.

Conseils pour une randonnée réussie sur le chemin de Compostelle

Pourquoi faire le chemin de Compostelle ?
Ce n’est pas seulement une randonnée, c’est une expérience humaine et spirituelle. Sur ce chemin, chacun porte ses rêves, ses doutes, ses blessures et ses espérances. Les rencontres avec les autres pèlerins et les habitants des villages traversés comptent autant que les paysages.

Combien de temps faut-il pour aller du Puy-en-Velay à Conques ?
Environ 10 jours pour parcourir les 210 km, à raison de 20 à 30 km par jour. C’est une portion accessible à beaucoup, à condition de bien se préparer.

Est-ce que tout le monde peut faire le chemin de Compostelle ?
Oui, mais il faut connaître ses limites. Certaines étapes sont longues ou avec un fort dénivelé. Ce n’est pas une course : on avance à son rythme, on s’autorise à raccourcir une étape ou à faire une pause. Il est possible de diviser les étapes pour se ménager.

Comment gérer les imprévus et les petits bobos ?
Les ampoules font presque partie du pèlerinage : pansements et crèmes sont vos alliés. Les variations météo font partie du jeu : pluie battante sur l’Aubrac, soleil brûlant en Aveyron… Le Chemin nous apprend à nous adapter. Personnellement, le stick pour les pieds de la marque Comped, à badigeonner tous les matins avant de mettre ses chaussettes, m’a énormément aidée. Pensez à avoir une aiguille pour percer d’éventuelles ampoules, et des pansements de différentes formes et tailles pour s’adapter aux blessures possibles (talon, voûte plantaire, orteils…).

Planifier ses étapes et ses hébergements
Nous avons choisi nos haltes à l’avance. Il est possible de se laisser porter par le chemin et les rencontres, mais le GR65 est couru et les hébergements sont rares sur certaines portions – j’ai plutôt tendance à vous conseiller de réserver, si besoin en faisant appel à une agence spécialisée comme La pèlerine. Une bonne carte ou un guide à jour est indispensable : nous avons utilisé le Miam Miam Dodo, référence en la matière.

A quelle période faire le chemin de Compostelle ?
J’ai fait le chemin du Puy à Conques en août. Août n’est pas la période la plus douce pour marcher : chaleur, chemins très fréquentés. Mais pour nous, c’était la saison qui convenait, et nous avons aimé cette effervescence joyeuse. Ceux qui cherchent plus de fraîcheur et de tranquillité préféreront peut-être le printemps ou le tout début de l’automne. Les hébergements ouvrent en général à Pâques et ferment à la Toussaint. Attention, l’hiver peut être très rude sur l’Aubrac.

Qu’est-ce que la crédenciale, et où l’obtenir ?
La crédenciale est le “passeport du pèlerin” : un carnet officiel qui atteste que vous avez réellement parcouru le chemin de Compostelle. On le fait tamponner à chaque étape, dans les hébergements, les offices de tourisme, les églises ou parfois même dans des commerces. Ces tampons constituent à la fois une preuve et un précieux souvenir de votre itinéraire. Vous pouvez acheter votre crédenciale au Puy-en-Velay, directement à la cathédrale ou auprès de l’Agence des chemins de Compostelle, mais aussi dans certaines associations jacquaires en France. Elle sera indispensable pour accéder à certains hébergements réservés aux pèlerins, et pour obtenir, à l’arrivée, la “Compostela”, le certificat de pèlerinage délivré à Santiago.

Pourquoi porter une coquille Saint-Jacques ?
Symbole universel du pèlerin de Compostelle, la coquille Saint-Jacques se porte souvent accrochée au sac à dos. Elle évoque à la fois l’itinéraire vers Santiago – ville côtière autrefois associée à la pêche de ce coquillage – et le cheminement spirituel du pèlerin. Depuis le Moyen Âge, elle sert de signe distinctif : en arborer une, c’est annoncer aux autres marcheurs et aux habitants que vous êtes sur le Camino. On peut se procurer sa coquille au départ du chemin, notamment au Puy-en-Velay, dans les boutiques, les offices de tourisme ou auprès des associations jacquaires. C’est à la fois un repère fraternel et un souvenir que l’on garde précieusement après le voyage.

Un beau roman consacré au chemin du Puy à Conques ?
Suite à notre périple, mon amie Alice Dumas a consacré un beau roman à notre expérience commune sur cette portion du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. La pluie du matin n’arrête pas le pèlerin raconte avec sensibilité et humour nos dix jours de marche entre le Puy-en-Velay et Conques, sur un mode romancé et intimiste. Ce récit vivant, qui a rencontré un joli succès et a été repris par France Loisirs, offre un regard mordant sur la via Podiensis et sur ce que signifie vivre, au quotidien, ce pèlerinage mythique, du plus trivial au plus mystique.

Les bienfaits du pèlerinage sur le chemin de Compostelle

Marcher sur le chemin de Compostelle, c’est accepter de se mettre en route en acceptant le défi des intempéries, d’affronter les obstacles – et d’abord ceux de notre fragilité – et de persévérer jusqu’au bout. Comme le disait Jean-Paul II :

« Je vous encourage à entreprendre ce pèlerinage vers la tombe de l’apôtre saint Jacques. (…) Il signifie que vous ne voulez pas vous installer, que vous résistez à tout ce qui tend à émousser vos énergies, à étouffer vos questions, à fermer votre horizon. »

Sur le Chemin, on apprend la patience et la lenteur, on retrouve un rapport simple et direct au monde. On se découvre capable d’avancer plus loin qu’on ne le croyait, et l’on se sent porté par une force discrète, nourrie par les rencontres et les paysages.

Il y a cette sensation particulière d’être relié à quelque chose de plus grand que soi, de marcher dans les pas de milliers de pèlerins qui, avant nous, ont cherché du sens, de la paix, une réponse ou une ouverture. Comme le dit Padre Jose Maria Maroquin :

« Lorsque vous serez revenu chez vous, dites-vous que vous serez encore sur ce chemin, et que vous y serez désormais toujours, car c’est un chemin qui ne connaît pas de fin. »

Pour moi, le Chemin est devenu un fil rouge : je le “fais” petit bout par petit bout, année après année, avec des amis qui me sont chers. Comme l’écrivait saint Augustin :

« Cherchons comme cherchent ceux qui doivent trouver et trouvons comme trouvent ceux qui doivent chercher encore. »

Saint Jacques, un chemin qui ne s’arrête jamais

Du Puy-en-Velay à Conques, cette portion du GR65 m’a offert un concentré de tout ce que le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle peut offrir : la beauté des paysages, la richesse du patrimoine, la profondeur des rencontres humaines. Nous avons marché sous le soleil brûlant d’août, savouré la lumière dorée des longues soirées d’été, partagé des repas simples mais joyeux, ri, prié, parfois souffert… et toujours avancé, pas après pas.

Arriver à Conques ne marque pas la fin, mais une étape de plus sur la via Podiensis. Je “fais Compostelle” petit bout par petit bout, été après été, avec les mêmes amis. Et je sais que, même une fois rentrée, je porte toujours en mon cœur la poussière dorée de cette immortelle randonnée, qui relie la Haute-Loire à l’Espagne à travers des siècles d’histoire et de foi.