Comment un goéland a failli causer une crise diplomatique franco-nippone majeure. Pourquoi le paradis sent le vomi de poisson et la fiente d’oiseau. Et la question que vous vous posez tous depuis toujours : quelle est la différence entre un phoque et une otarie, bon Dieu ? Vous saurez tout dans cet article californien plein d’invités surprises. Direction La Jolla, station balnéaire unique en son genre au nord de San Diego. Que faire à La Jolla ?
Fin septembre, je suis partie pour un road trip en solo au sud de la Californie. Toute seule. Je voulais pouvoir photographier les étoiles à trois heures du mat sans que personne puisse me reprocher de troubler son sommeil, je voulais me nourrir exclusivement de smoothies myrtille si ça me chante. Et je voulais avoir l’impression d’être l’héroïne d’un film. Seule au volant, avalant l’asphalte, face au coucher du soleil, avec mes caprices pour seule boussole. American dream, baby. Je fantasmais ce road trip depuis longtemps.
Here I go again on my own… Oui, je m’y crois.
Et un des endroits où je rêvais absolument de retourner, c’est La Jolla, au nord de San Diego. J’y étais passée en coup de vent il y a quelques années, et mon souvenir était tellement idyllique que je me demandais s’il était réel. Il me fallait en avoir le cœur net.
Que faire à La Jolla ? Le plein d’animaux !
Que faire à La Jolla ? Voir des animaux, des tas d’animaux. La Jolla a ceci d’exceptionnel : une immense colonie d’otaries y a élu domicile. Au cœur de la ville, au milieu des plages, vous avez un rush incroyable de mammifères marins qui se dandinent, et qu’on entend couiner dès l’aurore.
Les otaries de La Jolla, une attraction incontournable dans tout road trip californien !
La plupart du temps, quand vous cherchez un hôtel chic, vous aspirez au calme et aux odeurs fleuries. A La Jolla, le luxe ultime, c’est un hôtel en plein milieu du vacarme et des relents de poisson à moitié digéré. Au plus près des otaries. Je me suis fait plaisir (comprendre : j’ai sévèrement douillé mais je ne regrette rien) en prenant une chambre au La Jolla Cove Suites, qui donne sur la crique des otaries. Je les entends couiner depuis mon balcon, je sens légèrement l’odeur âcre de poisson et d’urine qu’elles dégagent – mais qu’on se dépêche d’oublier, car elles sont tellement mignonnes. J’ai une chambre qui ressemble à un numéro spécial Californian Hipster de Modes et travaux, bleue, blanche et ultra chic, avec fragrance poissonnerie en bonus. Je suis au paradis.
La Jolla Cove Suites, à 20m des otaries
Phoques ou otaries ? La question piège, et comment faire la différence
La Jolla est au cœur d’une aire marine protégée exceptionnelle, devenue le sanctuaire des otaires… et des phoques. C’est très perturbant, je sais, pour tous ceux qui ont du mal avec les chouettes et les hiboux, les chameaux et les dromadaires, les buffles et les bisons, mais La Jolla a les DEUX.
Les plus démonstratives sont les otaries (sea lion en VO).
Si elles ont des petites oreilles (contrairement à leurs cousins les phoques), c’est parce que la majeure partie des interactions avec leurs congénères se déroulent à la surface, et qu’il leur faut donc l’équipement adéquat pour entendre leurs potes grouiner, grogner et bêler inlassablement.
Si elles sont équipées de puissantes nageoires sur qui elles peuvent se tenir en équilibre, c’est que l’essentiel de leur vie se déroule sur les rochers. Voilà pourquoi le public les adore. Les otaries de San Diego, c’est un spectacle comique insurpassable. J’ai passé deux heures à les observer comme si j’étais à un stand up. Elles se donnent des tartes, se poursuivent en se dandinant, roulent sur le dos en battant des nageoires comme un chien qu’on félicite, se font des bisous, se battent pour des morceaux d’intestins de poisson dégueulasses, défient les mouettes et les pélicans, et n’ont AUCUNE peur des humains.
Les phoques et otaries de La Jolla
A ce stade, j’imagine que vous voulez voir une vidéo. Vous serez donc exaucés.
Les phoques, eux, sont plus discrets, et cherchent les criques moins peuplées. Leurs capacités de locomotion sur la terre sont bien inférieures à celles des otaries, ils rampent sur le sol comme de gros boudins poilus, et ne peuvent pas se redresser sur leurs nageoires. Les pélicans essaient toujours de leur piquer leur bouffe, ainsi que les mouettes, bien sûr, chapardeuses des sept mers.
Les Japonais, les otaries et moi et moi
Je me méfie un peu de la propension américaine à jeter les touristes dans la cage aux fauves : les Etats-Unis ont une conception très puriste de la responsabilité personnelle, c’est le pays du « if you fall you die et tant pis pour ta gueule ».
Au Grand canyon, on vous laisse faire du yoga au bord d’une falaise de quatre kilomètres de haut si ça vous fait plaisir, et on vous vend à la boutique l’inventaire des décès burlesques et bizarres au sein du parc, « réactualisé chaque année ! ». On dirait qu’ils font exprès de vous laisser décéder à votre guise, histoire de pouvoir mettre à jour leur bouquin.
A Yellowstone, on vous lâche au milieu des bisons en rut et vous signale qu’il est tout à fait possible que vous vous fassiez charger (à en juger par la foultitude de vidéos Youtube à la Go Pro qui finissent comme le projet Blair Witch, c’est fréquent).
Du coup, j’étais un peu sur mes gardes en avisant le panneau « attention, les otaries peuvent vous mordre, vous mettre des pains dans la tronche et vous noyer, ça n’est pas notre problème », et j’ai laissé les Asiatiques intrépides et kamikazes tâter le terrain. Après les avoir vus multiplier les selfies et chorégraphies avec otarie, j’ai pu constater qu’il ne se passerait rien. Les otaries n’en ont rien à faire de nous, elles sont bien trop occupées à arracher la tête de poisson à leur camarade, à french kisser l’un et bastonner l’autre. Tant qu’on ne les touche pas, on peut se tenir très près d’elles et profiter du spectacle sans danger, et assister à un remake de la guerre de Troie version créature adipeuse, luisante et adorable.
L’amour à la plage, version otarie
Les cormorans, ces gros hypocrites
Le seul oiseau qui se tienne correctement à La Jolla est le cormoran, ce bel oiseau noir dont les os anormalement lourds et denses au sein du règne aviaire entravent le vol, mais rendent suprêmement apte à la plongée. Lui ne s’intéresse pas aux phoques et aux otaries, et descend comme une torpille jusqu’à trente mètres sous la surface pour pêcher. Le soir, on le voit sécher ses ailes, immobile sur les grands arbres.
J’ai dit qu’il avait des manières : rectification. Le cormoran, c’est le mec super bien sapé qui colle son chewing gum sous la table. Le cormoran est une espèce qui a failli disparaître dans les années 70 et dont la conservation est un immense succès, mais ce succès a une odeur. De caca. Sous les villas à huit millions de dollar, les falaises se couvrent de guano (caca d’oiseau) et les vieilles dames tombent dans les pommes. Mais les touristes viennent du monde entier, fascinés par La Jolla, un des rares endroits où on peut nager avec les cormorans et les otaries.
Les oiseaux de La Jolla, et leur contribution au ravalement des falaises
Initialement, je voulais nager avec les cormorans et les otaries. Après, j’ai constaté que l’océan était à 15 degrés et entièrement rempli de caca et de boyaux de poisson, et j’ai renoncé. #chochotte
La Californie va tomber dans la mer
J’ai réservé une sortie en kayak au soleil couchant avec La Jolla Kayak, pour aller explorer la réserve marine depuis l’océan. Dès le premier franchissement des vagues, je suis trempée comme une éponge, et réfrigérée, mais la visite vaut la congélation.
Kayak au coucher du soleil à La Jolla : la classe, avouez. Si l’expérience vous tente, réservez longtemps à l’avance, les places partent très vite (j’ai réservé un mois avant auprès de La Jolla Kayak, et tout était déjà presque plein).
Les grottes de La Jolla sont tectoniques : ici, la plaque continentale américaine et la plaque pacifique glissent l’une sous l’autre, dessinent ces paysages effrayants, et concoctent un séisme d’ampleur cataclysmique. Au-dessus des falaises, des maisons à huit millions de dollars sont en train de s’écrouler dans l’océan. D’ici vingt ans, toutes sont condamnées. Les propriétaires doivent anticiper la destruction et les raser avant effondrement, sous peine de payer des amendes monumentales si jamais les débris de leur maison viennent polluer la réserve marine. Petite ambiance apocalyptique au paradis condamné.
Grottes tectoniques de La Jolla. Ici la Terre se déshabille
Les maisons luxueuses de La Jolla. Toutes celles en lisière de falaise sont condamnées à brève échéance…
Des fonds marins remontent des fragments d’une algue gigantesque dont je ne connais pas le nom, et dont le corps d’hippocampe géant est percé de larges cercles ronds qui améliorent la flottaison. Il paraît que ces réseaux d’algues sont tous liés au plancher océanique, comme une immense forêt qui se donne la main sous les eaux. Au loin, nous apercevons deux dauphins. La Jolla est magique.
Kayak dans les vagues à La Jolla. Ce n’est pas moi (puisque je prends la photo), c’est la mono, mais on fait la même taille et elle est blonde comme moi, donc on fait comme si de rien n’était.
Et en retournant vers la plage, je surfe sur une vague avec mon kayak, et j’ai l’impression d’être une vraie California girl. Même si c’était un kayak. I win at life quand même.
Là pour le coup, ces morceaux d’anatomie humaine sont authentiquement les miens.
Comment un goéland a failli déclencher une crise franco-nippone
Le soir, le bar rooftop de mon hôtel est occupé par un mariage où on joue du Abba jusqu’à deux heures du matin, ça doit être une délégation suédoise. J’attends donc le petit déjeuner pour le tester.
Après un sublime lever de soleil sur les phoques et les palmiers de La Jolla, j’accède finalement au fameux restaurant rooftop, où est servi le petit déjeuner. La vue sur la mer est glorieuse, je me sens élue des dieux, et en plus il y a de la soupe de fraises. Mais c’est la machine à gaufres est l’objet de toutes les convoitises. Prêtez attention, c’est là que commence mon histoire.
J’ai tenté de faire des photos lifestyle. A droite, l’arche nuptiale de la délégation Gimme gimme a man. A gauche, le petit déjeuner sur palmiers. Dans une assiette en carton. Pas ma faute si les Américains tuent mes velléités lifestyle.
Une seule machine à gaufres pour tout le resto, et un cycle long, puisqu’il faut que la pâte crue prenne d’un côté, puis de l’autre, au moyen d’une rotation à 360 degrés qui faisait complètement fantasmer mon cher et tendre quand on voyait ça dans les motels d’Arizona (« t’as vu ! ça tourne complètement sur soi-même ! »). Je lui en ai acheté une pour son anniversaire, ce qui me rend moins sensible à l’appel du gaufrier, et laisse mon tour à une Japonaise dont je vois les yeux briller d’excitation et de désir. Au bout d’au moins quinze minutes, elle revient avec sa gaufre couverte de sirop d’érable et s’assoit à quelques mètres de moi. Puis se relève une dernière fois pour aller chercher une fourchette, et c’est là que le drame survient.
Un goéland fond sur la terrasse et engloutit en une seconde la gaufre chaude et luisante de sucre, et déguerpit sans demander sans reste. La Japonaise revient, constate l’absence de la gaufre et me foudroie du regard. « C’est pas moi ! C’est le goéland ! » J’essaie de lui expliquer que non, je n’ai pas regretté mon acte de charité antérieur et voulu récupérer ce qui me revenait de droit pendant qu’elle avait le dos tourné, que j’ai beaucoup de respect pour le principe de propriété de la nourriture et probablement pas la capacité d’ingérer une gaufre entière en trois secondes, mais que le goéland a moins de sens civique et plus de souplesse buccale. Je vois bien qu’elle ne me croit pas. Je sens les relations franco-nippones à un point de glaciation qui me chagrine, mais heureusement, le goéland revient et emporte une banane directement dans l’assiette d’un gosse qui se met à hurler. Me voilà réhabilitée.
Photo d’illustration figurant plus ou moins un goéland. (Prise à Laguna Beach, 150km au nord)
On the road baby
Après avoir recouvré mon honneur et restauré les relations diplomatiques, je m’engage sur la route qui me fait fantasmer depuis des années, la première raison de ce roadtrip californien : la route 101 ou Pacific Coast Highway, de San Diego à San Francisco le long de la mer, par les villages balnéaires. A l’âge de dix ans, j’avais fait la partie Los Angeles – San Francisco avec mes parents. J’en garde un souvenir odysséen. Cette fois, ce sera San Diego – Los Angeles, une portion de route entrevue il y a quelques années, mais sans avoir le temps d’en profiter vraiment. Direction Laguna Beach.
A suivre !
Crépuscule à La Jolla
Si vous aimez les aventures animalières insolites, n’hésitez pas à aller voir mon article super rigolo sur la faune et la flore d’Arizona ICI.
Et je vous garantis que vous voulez sortir les pop-corns et attendre l’article sur Laguna Beach, car vous n’avez jamais rien vu d’aussi parfait et idyllique. Inscrivez-vous à la newsletter pour ne pas rater ça.
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