Itinera Magica

Féeries de Durance, la Provence secrète

Entre le Lubéron et la Durance, parmi les premiers contreforts des Alpes, se nichent des villages reculés qui regorgent de roches magiques et de féeries naturelles. Loin des grands axes, voici la Provence secrète, dont je ne me lasse pas d’explorer le silence et le mystère. Visite aux pénitents des Mées et aux formes étranges du plateau des Mourres, près de Forcalquier. Visitez les coins secrets de Provence.

Crépuscule sur le plateau des Mourres.

 

Au bord de la Durance, les silhouettes colossales des Pénitents des Mées.

Du Verdon au Lubéron, les coins secrets de Provence

Si vous êtes déjà venu sur Itinera Magica, peut-être savez-vous déjà l’amour que je porte à ma région natale, la Provence, et à tous les recoins de sa géographie accidentée. J’aime les formes que dessine l’eau coulant lentement à travers les massifs de calcaire et d’argile, l’empreinte des millénaires au creux des anfractuosités, et les légendes dont la mémoire populaire revêt ces paysages solitaires. Si j’aime infiniment la Méditerranée et ses rives lumineuses, j’aime aussi l’autre Provence, la Provence secrète, plus âpre et accidentée, la Provence des pentes, des combes et pierriers.  Et la région la plus mystérieuse à mes yeux, c’est ce labyrinthe d’arrêtes froissées et de vallées profondes qui s’étend au nord d’Aix-en-Provence, à l’est d’Avignon et au sud de Digne et Sisteron, ce triangle magique qui comprend le Lubéron, la Durance et le Verdon. Celle-là n’est plus la Provence amène des cigales et du tropisme maritime. C’est une région où l’ombre descend vite sur les vallées encaissées, où les soirées sont froides et les hivers rudes, et où se perpétue le rythme plus lent d’une vie pastorale, paysanne et montagnarde, dans de petits villages qui protègent jalousement le secret de leurs panoramas à couper le souffle. Jean Giono a vécu au cœur de la Provence intérieure, à Manosque, ville cernée par le cercle lointain des Alpes enneigées, et son œuvre a su capturer la rudesse majestueuse de ces contrées.

Orage d’automne dans le Verdon.

Si vous connaissez la version anglaise de ce blog, peut-être avez-vous lu cet article consacré aux montagnes de Provence et de la Côte d’Azur, à l’Estérel, à la Sainte-Victoire, au Ventoux, et au massif du Verdon, mon paradis montagnard au cœur de la Provence intérieure. Le bleu laiteux, presque extraterrestre, des eaux du lac Sainte-Croix me fait rêver à des mondes inconnus ; les sept-cent mètres de profondeur du grand canyon du Verdon, la verticalité terrifiante de ses parois abruptes, surplombées par des colonies de vautours, m’inspirent un vertige incomparable.

Lac de Sainte Croix.

 

Grand canyon du Verdon.

 

Lac de Sainte Croix, vu depuis Aiguines.

 

Une cascade dans la gorge du lac de Sainte Croix.

Si vous connaissez la version allemande de ce blog, peut-être avez-vous lu cet article qui propose d’explorer les petits villages perchés du Lubéron. Dans un paysage profondément médiéval, qui évoque les heures les plus tumultueuses de la féodalité, les villages agrippés aux sommets des collines ressemblent à des rochers émergeant d’une mer agitée ; leurs murailles, leurs châteaux forts, leurs pierres jointes disent les terreurs et les tempêtes d’autrefois. Puis au sud de Lubéron, près d’Aix-en-Provence, c’est la Renaissance qui fait irruption le long des canaux et des allées jardinières, et le paysage adouci me rappelle la Toscane.

Merveilleux Lourmarin, mon coup de coeur au sud du Lubéron.

 

Gordes, le village le plus célèbre du Lubéron, au crépuscule.

 

Village perché de Bonnieux.

 

Rues désertes de Lacoste.

Les Mées, un village provençal plein de mystère

C’est une région que je ne me lasse pas d’arpenter, et par un beau dimanche de janvier, j’ai mis le cap sur Les Mées, en quête de deux féeries géologiques que je voulais voir de mes propres yeux. Au-dessus du lit caillouteux de la Durance, et adossé aux contreforts du plateau de Valensole, le village des Mées est réputé pour les formations rocheuses étranges qui le surplombent, et qu’on appelle les « pénitents des Mées ». Des monolithes de près d’une centaine de mètres de hauteur semblent veiller sur le village, et leurs formes émoussées par l’érosion évoquent une procession de moines repentants.

Le village des Mées, surplombé par les Pénitents.

 

La silhouette monumentale des Pénitents se glisse derrière la place du village.

 

Les Mées, nectar de Haute Provence : derrière moi, la Durance, devant moi, le plateau de Valensole, au loin, les Alpes.

La vision est saisissante, presque menaçante quand le soleil descend et que l’ombre coiffe de noir ces silhouettes gigantesques. J’ai lu qu’il s’agissait de « poudingue érodé » ; à cette caractérisation prosaïque, je préfère la légende des pénitents, que vous pouvez lire en entier sur ce site merveilleusement poétique.

Jeux d’ombres sur les Pénitents.

La légende remonterait au temps des croisades, et raconte l’histoire d’un Seigneur en guerre contre les Sarrasins, qui découvre un groupe de jeunes femmes maures dont la beauté et la détresse l’émeuvent. Il leur offre refuge dans son château, où des moines tombent à leur tour sous le charme de leurs beaux yeux… Saint-Donat, l’ermite de Lure, choisit alors de les pétrifier afin de les préserver de la tentation, et c’est ce défilé de moines amoureux, figés à tout jamais dans leur bure, qui jette son ombre sur les Mées.

Fin d’après midi.

Le sentier des Pénitents permet de les surplomber et offre quelques jolis panoramas, mais c’est vus du sol que je les trouve plus impressionnants. L’impression est écrasante, surtout quand s’avance la nuit. Grand maître du fantastique, expert de la mémoire des ruines, Marcel Brion rapporte une tradition orale qui se perpétue, la peur de rester à proximité des Pénitents quand le soir tombe, par peur d’être à son tour changé en pierre…

Les Mées vus d’en haut, depuis le sentier des Pénitents.

Le soleil descend, et ma route se poursuit à une vingtaine de kilomètres des Mées, à Forcalquier, village perché, comme nombre de ses jumeaux dans le Lubéron, qui se targue d’avoir « le ciel et l’air le plus pur de France ». La place du village est délicieusement surannée, avec ses airs de livre d’images de la Belle Epoque. On y trouve l’ancien couvent des Visitandines, édifié en 1630 suite à une promesse faite par les habitants accablés par la peste noire, soudain soucieux d’expiation et de grâce. Je trouve l’ancien couvent et l’église qui lui fait face envahis par des nuées d’oiseaux noirs qui dessinent des tornades dans le ciel, et m’évoquent quelque chasse infernale – fantômes ailés, souvenir des âmes qui hantent les lieux ?

Place du village de Forcalquier, avec l’ancien couvent des Visitandines sur la gauche.

 

Nuées d’oiseaux sur les façades rétro.

 

Eglise de Forcalquier dans une tempête d’ailes.

Le plateau des Mourres

C’est sur le plateau des Mourres que je veux voir le coucher du soleil. Les Mourres, « museau » en provençal, ce sont ces cheminées de fées aux formes baroques, sculptées par les caprices de l’érosion mordant le calcaire. La vue sur la vallée de la Durance, les Alpes et les hauts contreforts du Verdon, par-delà une immensité de collines rongées par l’hiver, est éblouissante.

Beautés à perte de vue.

 

Arches énigmatiques.

 

Au loin, le Verdon et les Alpes.

 

Formes fantastiques.

Les silhouettes fantasmagoriques des Mourres, les têtes et les cous de bête sous-marine, les arches de pierre, les fleurs de roche, les dentelles de pierre, se détachent sur ce panorama inouï dans la lumière rasante. coins secrets de Provence

Dernières lueurs.

 

Curiosités géologiques, féeries de pierre.

Assis en cercle, un groupe de musiciens est venu profiter des derniers rayons pour jouer en pleine nature. Ils ont des instruments dont je ne connais pas le nom et répètent une mélopée entêtante et un peu triste, dans une langue qui m’est inconnue, et dont la mélodie m’évoque une atmosphère de foire médiévale, avec les gitans et les fous. C’est étrange, n’est-ce pas, comme la musique peut nous faire nous souvenir de ce que nous n’avons jamais connu ? Je reste longtemps à les écouter, saisie par la beauté de ce moment, par cette musique de bal d’antan, tandis que les ombres grandissantes animent et métamorphosent les Mourres. Leurs instruments sont comme les oiseaux, ils se taisent une fois le soleil couché. Et je cherche déjà à fixer dans ma mémoire cet instant magique, la beauté infinie du monde et la mélancolie du temps qui passe.

Joueur de trompette au crépuscule.

 

Le jour s’achève.

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